Le Failcamp – Démocratiser l’échec
20 janvier 2022
Démocratiser l'échec
Avoir peur d’échouer nous empêche de progresser. La culture de l’échec est un univers peu exploré que tout le monde tente d’éviter à tout prix. Mais est-ce si mauvais en fin de compte?
J’ai une amie qui m’a dit un jour à l’escalade « je ne suis pas une fille de défis, je suis une fille de réussites! » Il y avait plusieurs manières d’analyser cette affirmation, mais dans ce cas-ci, il était question de n’essayer que des projets qu’elle savait qu’elle était en mesure de réussir, plutôt que d’essayer un projet qu’elle risquait de ne pas terminer. D’un côté, c’est beau parce qu’elle a l’humilité d’avoir des attentes à la hauteur de ses capacités et de ne pas se mettre trop de pression. Mais de l’autre, est-ce que ça mine sa progression? Est-ce qu’elle s’empêche de pousser plus loin par peur de l’échec? Est-ce que la progression doit automatiquement venir avec la pression de performance?
L’humain est conçu pour se protéger des menaces. Mais quand est-ce qu’on est devenus des menaces à nous-mêmes? Depuis quand ressentons-nous le besoin de protéger notre ego du jugement des autres, mais aussi du nôtre? Avoir peur d’échouer lorsqu’on est en train de faire une opération à cœur ouvert ou lorsqu’on fait des sports dangereux, c’est une chose. C’est rationnel. Mais avoir peur d’échouer en effectuant des tâches quotidiennes qui n’ont pas d’impact d’envergure sur soi ou autrui, c’est là que notre cerveau nous joue des tours.
Je me suis toujours souvenue d’une citation qui me réconforte beaucoup disant qu’une réussite est constituée à 99 % d’échecs. (Bon. J’ai toujours cru que c’était Steve Jobs qui l’avait dite, mais pour les biens de cet article j’ai fait des recherches et il s’avère que c’était Soichiro Honda. Ça me méritera peut-être une bonne réponse au Pub Quiz, qui sait?!). Alors pourquoi est-ce qu’on parle seulement du 1 %, de la pointe de l’iceberg quand il y a tout un univers d’échecs à explorer et à raconter?
C’est en m’asseyant avec Alexis Bilodeau chez Novo que m’est venue l’idée de contribuer à la démocratisation de l’échec. On discutait des activités qu’ils font dans l’entreprise pour stimuler l’esprit d’équipe (des partys d’employés, des moments cocasses qu’ils partagent tous ensemble, etc.) et le Failcamp est venu sur le sujet. Mais qu’est-ce que cette magie noire? Alexis m’explique qu’il a eu l’idée de faire une activité durant laquelle tout le monde raconte ses plus grands échecs. À sa grande surprise, personne ne voulait commencer. (Ça peut être assez gênant de raconter son plus grand fail devant son boss!) C’est donc lui-même, « le boss », qui a commencé. Il explique que, suite à la création de Novo, il s’était investi dans un autre projet dans le domaine des pharmaceutiques qui était supposément un coup sûr. Pendant ce temps, l’énergie déployée pour faire progresser ce projet a réduit celle consacrée à Novo et faisait stagner la progression de l’entreprise. Il s’est avéré qu’une série de mauvaises décisions a finalement entraîné l’échec de ce projet. Tu te dis sûrement qu’il n’aurait jamais dû s’investir dans toute cette histoire? De toutes les personnes avec qui j’ai parlé d’échecs, une chose est revenue chaque fois : chaque échec entraîne un apprentissage. Alexis me raconte tout calmement sa conclusion suite à toute cette expérience : « Tu ne peux pas t’investir à 100 % à 2 places en même temps, tout simplement.»
Cette notion de pertinence reliée à l’échec m’a poussée à creuser un peu plus loin et j’ai découvert quelques grands joueurs dans la démocratisation de l’échec. Par exemple, Astro Teller lors d’un Ted Talk nous a amené dans l’univers de X (anciennement connu sous le nom de Google X) qui a mis sur pied le Moonshot factory, soit un regroupement de cerveaux innovants qui créent de nouvelles technologies radicales pour résoudre certains des problèmes les plus difficiles au monde. Il nous explique que dans le Moonshot factory, l’échec est non seulement valorisé, mais priorisé. Que chaque idée doit être démantelée de toutes les manières possibles pour assurer sa viabilité dans le quotidien si elle finit par voir le jour. L’objectif au quotidien est de trouver une nouvelle manière de faire échouer chaque projet. Et ils réussissent souvent! Très peu d’idées viennent à être produites, mais celles qui le sont changent le monde. Rien de moins.
« Enthusiastic skepticism is not the enemy of boundless optimism. It is optimism’s perfect partner.» (Le scepticisme enthousiaste n’est pas l’ennemi d’un optimisme sans bornes. C’est le partenaire idéal de l’optimisme.) – Astro Teller
De plus en plus d’acteurs emboîtent le pas pour aider à défaire cette mentalité de l’élitisme et de la performance, et avec le temps, on voit apparaître des initiatives telles que le Musée des échecs, la Failure Institute les Fuckup Nights qui est un concept qui s’est même rendu à nous. C’est tout à fait possible de rater sans être un raté. Alors est-ce qu’on ne devrait pas sortir de notre zone de confort et explorer tout cet univers d’opportunités d’échouer? Et qui sait ce qu’on peut en retirer?
Photo par Jordan Blackburn